Les résidents fiscaux français au sens de l’article 4 B du CGI (Code Général des Impôts) dont le patrimoine taxable à l’Impôt de solidarité sur la fortune était supérieur à 1,3 M d’euros étaient redevables à l’ISF.
Leurs obligations fiscales étant illimitées, ceux-ci étaient redevables de cet impôt tant sur leurs biens détenus en France qu’à l’étranger (biens immobiliers, parts de sociétés civiles immobilières (SCI), droits sociaux, biens meubles, liquidité…), tel que cela était prévu sous le régime de l’ancien article 885 A du CGI, depuis abrogé.
Les non résidents fiscaux français au sens de l’article 4 B du CGI dont le patrimoine taxable à l’Impôt de solidarité sur la fortune était supérieur à 1,3 M d’euros étaient redevables à l’ISF mais uniquement sur les biens et droits cités précédemment et se situant en France, ils étaient dès lors soumis à une obligation fiscale limitée.
La réforme de l’ISF instaurée par la loi de finance pour 2018, n° 2017-1837 en date du 30 décembre 2017, a remplacé l’ISF par l’IFI « Impôt sur la Fortune Immobilière ».
Le code Général des impôts qui prévoyait l’Impôt de solidarité sur la fortune dans son chapitre I bis du CGI a été entièrement modifié, désormais l’impôt sur la fortune immobilière se trouve codifié au chapitre II bis du CGI.
L’assiette taxable initialement prévue pour l’ISF était codifiée dans une section II, aux articles 885 D et s. du CGI qui prévoyait que :
« L’impôt de solidarité sur la fortune est assis et les bases d’imposition déclarées selon les mêmes règles et sous les mêmes sanctions que les droits de mutation par décès sous réserve des dispositions particulières du présent chapitre. »
Cette disposition qui posait le principe général et dont les dérogations étaient prévues aux articles suivants, a été abrogée à compter du 1er janvier 2018. Cet article qui avait un champ d’application très large, tel qu’indiqué précédemment (biens immobiliers bâtis ou non bâtis, droits sociaux, liquidité, valeurs mobilières, biens meubles…) a vu son champ d’application très restreint puisque désormais suite à la réforme de l’ISF devenu IFI, l’assiette de cet impôt est beaucoup moins étendue puisque les dispositions législatives actuellement en vigueur s’avèrent très précises.
En effet l’article 965 du CGI actuellement en vigueur, prévoit que seront uniquement soumis à l’IFI les actifs suivants, tel que cela est rappelé au paragraphe 10 du BOFIP (BOI-PAT-IFI-20-20180608 , publié le 8 juin 2018) :
- de l’ensemble des biens et droits immobiliers appartenant au redevable et aux membres du foyer fiscal (CGI, art. 965, 1°) ;
- des parts ou actions des sociétés ou organismes, établis en France (telles que les sociétés civiles immobilières SCI, société à responsabilité limitée SARL…) ou hors de France (telles que les SCP monégasques ou les Limited anglaise LTD), appartenant au redevable et aux membres du foyer fiscal, à hauteur de la fraction de leur valeur représentative de biens ou droits immobiliers détenus directement ou indirectement par la société ou l’organisme, non affectés à l’activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale de la société ou de l’organisme qui les détient (CGI, art. 965, 2°).
Certaines parts ou actions sont toutefois exclues de l’assiette de l’IFI en raison notamment du pourcentage de participation du redevable dans ces sociétés ou organismes.
Si le champ de l’assiette taxable de l’IFI a vu son périmètre d’application restreint par rapport au champ d’application de l’assiette taxable à l’ISF, cela dans le but de n’imposer que le patrimoine immobilier et non le patrimoine mobilier et immobilier et pouvait dès lors se concevoir comme une « sorte de privilège » accordé aux contribuables imposés sur leur patrimoine.
Cette réforme n’a toutefois pas été accueillie avec joie par le plus grand nombre et notamment à cause de ses dispositions concernant le passif déductible.
Si sous l’ISF, le régime de déduction des dettes était assez simple, en effet il suffisait que l’ensemble des dispositions prévues à l’article 768 du CGI soient remplis, à savoir :
- Avoir une dette existante au 1er janvier de l’année d’imposition ;
- Etre à la charge personnelle du redevable, de son conjoint soumis à imposition commune (ou concubin notoire ou partenaire lié par un pacte civil de solidarité) ou de leurs enfants mineurs (en cas d’administration légale de leurs biens) ;
- Etre justifiées par tous modes de preuve compatibles avec la procédure écrite.
Ces conditions avaient fait l’objet d’un développement clair et précis par la doctrine administrative dans le BOFIP (BOI-PAT-ISF-30-60-10-20150812 ).
La seule précision que la doctrine administrative a donnée concernant les prêts immobiliers qui sont déductibles de l’ISF avait été indiqué à au paragraphe 120 du BOFIP déjà évoqué, il était exposé ce qui suit :
Si un immeuble est acquis moyennant un emprunt, sont déductibles au titre de l’impôt de solidarité sur la fortune :
- le capital restant dû au 1er janvier de l’année d’imposition ;
- les intérêts échus et non payés au 1er janvier ;
- les intérêts courus au 1er janvier.
Les mêmes règles étaient applicables aux prêts relais immobiliers.
Si l’emprunt était indexé, le capital restant dû était calculé en tenant compte de l’index au 1er janvier de l’année d’imposition.
Dès lors les dettes pouvaient être déductibles seulement dans le cas où elles remplissaient les 3 conditions prévues à l’article 768 du CGI. La seule exception à ce principe avait été exposée à l’article 885 G quater du CGI qui dispose que : Les dettes contractées par le redevable pour l’acquisition ou dans l’intérêt de biens qui ne sont pas pris en compte pour l’assiette de l’impôt de solidarité sur la fortune dû par l’intéressé ou qui en sont exonérés ne sont pas imputables sur la valeur des biens taxables. Le cas échéant, elles sont imputables à concurrence de la fraction de la valeur de ces biens qui n’est pas exonérée.
Cette exception se comprenait aisément et faisait preuve d’une certaine logique, puisque si un bien n’entre pas dans le champ d’application de l’assiette taxable de l’ISF, il serait incohérent de pouvoir déduire des dettes qui n’auraient aucun lien avec l’impôt précité.
De ce fait, sous le régime de l’ancien ISF, si un particulier avait opté pour un emprunt « in fine » afin de financer l’acquisition d’un bien immobilier, celui-ci pouvait être entièrement déductible tant que le remboursement de cet emprunt n’était pas survenu. Une pratique très courante consistait dès lors à acquérir un bien immobilier grâce à un emprunt « in fine », le montant de cet emprunt était dès lors déductible pour la totalité du capital non encore remboursé, sous réserve des autres précisions indiquées au paragraphe 120 du BOFIP, exposé précédemment.
La doctrine administrative définit les contrats de prêt « in fine » comme étant des « des prêts prévoyant le remboursement de l’intégralité du capital au terme du contrat contractés pour l’achat d’un bien ou droit immobilier » (BOI-PAT-IFI-20-40-20-20180608) .
Le redevable de l’IFI pouvait dès lors déduire la totalité du capital restant dû (souvent il s’agissait du montant initial de l’emprunt puisque dans le cadre des emprunts in fine le capital n’est remboursé qu’à terme), il était ainsi plus avantageux pour un redevable de l’ISF de faire financer ses acquisitions immobilières via des emprunts in fine plutôt que par un emprunt dit classique (remboursé chaque année) et dont le montant déductible diminuait annuellement.
Le législateur a voulu mettre fin à cette pratique en modifiant entièrement le régime du passif déductible, il a dès lors consacré une section IV intitulée « passif déductible » dans le Code Général des Impôts. Ainsi à compter du premier janvier 2018, a été inséré dans le CGI un article 974, tel que le prévoyait l’article 31 (V) de la loi n°2017-1837 en date du 30 décembre 2017 , celui-ci expose précisément les modalités concernant le passif déductible de l’impôt sur la fortune immobilière.
Nous ne sommes plus face à un régime général tel que le prévoyait l’article 768 du CGI mais nous avons un texte précis qui expose que seront uniquement déductibles les dettes qui remplissent les conditions suivantes :
- Exister au 1er janvier de l’année d’imposition ;
- Etre à la charge personnelle du redevable ou de l’une des personnes constituant son foyer fiscal ;
- Etre afférentes à certaines dépenses engagées pour les besoins d’un actif taxable à l’impôt sur la fortune immobilière (IFI) ;
- Etre justifiées par tous modes de preuve compatibles avec la procédure écrite.
Ces conditions font l’objet d’un développement émanant de la doctrine administrative, pour plus de précision nous vous renvoyons au BOI-PAT-IFI-20-40-10-20180608 .
Si le I de l’article 974 du CGI expose les conditions que nous venons de préciser, le II de ce même article prévoit désormais l’amortissement des prêts « in fine ».
Si un tel régime n’avait jamais été évoqué sous l’ancien régime de l’ISF et pouvait donner lieu à des abus il est aujourd’hui expressément prévu que : « II.- Les dettes mentionnées au I correspondant à des prêts prévoyant le remboursement du capital au terme du contrat contractés pour l’achat d’un bien ou droit immobilier imposable sont déductibles chaque année à hauteur du montant total de l’emprunt diminué d’une somme égale à ce même montant multiplié par le nombre d’années écoulées depuis le versement du prêt et divisé par le nombre d’années total de l’emprunt. Les dettes mentionnées au même I correspondant à des prêts ne prévoyant pas de terme pour le remboursement du capital, contractées pour l’achat d’un bien ou droit immobilier imposable, sont déductibles chaque année à hauteur du montant total de l’emprunt diminué d’une somme égale à un vingtième de ce montant par année écoulée depuis le versement du prêt. »
Ainsi à compter du 1er janvier 2018, la loi est venue limiter le montant de la dette déductible à hauteur de la différence entre le montant total de l’emprunt et une somme égale à ce même montant multiplié par le nombre d’année écoulées depuis le versement du prêt et divisé par le nombre d’années total de l’emprunt. Les emprunts « in fine » sont dès lors amortissables.
Donc désormais si on a un prêt « in fine » qui est pris sur 10 ans par exemple, cela fera une déduction de 10% chaque année (Pourquoi 10% ? car 10 x 10 = 100 soit la totalité), et par exemple le contribuable détient un bien dont la valeur nette taxable était de 5 millions, il contractait un emprunt de 5 millions sur 10 ans, la première année son bien vaut 5 millions, le passif déductible est : 5 millions – (10% de 5 millions) soit 4,5 millions, il ne reste qu’un demi million à déclarer pour l’IFI.
Pour tous les contrats qui ne prévoyaient pas de terme de remboursement, la loi est venue là aussi retoquer ce point puisque désormais les contrats de prêts passés pour une durée indéterminée seront considérés comme prenant fin au bout de 20 ans (à compter de l’octroi de l’emprunt).
Aujourd’hui l’emprunt « in fine » n’apparaît plus comme un outil incroyable permettant de bénéficier de la déductibilité du montant du prêt « in fine » non encore remboursé avant le terme de celui-ci comme c’était le cas auparavant.
Selon la durée de l’emprunt et l’amortissement pratiqué, acquérir un bien immobilier via un emprunt in fine ne se révèlerait pas forcément plus intéressant que la contraction d’un emprunt dit classique.
Il faut savoir qu’une grande question demeure et celle-ci n’a pas été évoquée dans le CGI ni même dans la doctrine administrative lorsque celle-ci a évoqué les passifs soumis à imputation spéciale (BOI-PAT-IFI-20-40-20-20180608) mais si demain un redevable de l’IFI décide de renouveler son prêt in fine l’amortissement devra débuter à la date du renouvellement (date de l’avenant au contrat initia)l ou alors l’amortissement devra être considéré comme débutant à la date de la signature du premier contrat de prêt « in fine ».
Cette interrogation n’a pas encore été tranchée et afin d’éviter tout contentieux possible, il est fortement recommandé lors de l’établissement de votre déclaration d’IFI (déclaration n°2042) d’ajouter une mention expresse (prévue au 2° du II de l’article 1727 du CGI) exposant la solution que vous aurez choisie d’appliquer (amortissement pratiqué à compter de la date de l’avenant ou de la date de signature du premier contrat de prêt) ainsi en cas de contrôle de la part de l’administration fiscale et dans le cas ou celle-ci retoquerait la solution que vous avez choisie, vous ne pourrez pas vous voir appliquer des intérêts de retard.
L’article 974 du CGI ne s’est pas seulement intéressé aux emprunts « in fine » il est aussi venu poser des règles précises concernant certaines dettes.
Le III de l’article 974 du CGI énonce que : « II.-Ne sont pas déductibles les dettes mentionnées aux I et II correspondant à des prêts :
- Contractés directement, ou indirectement par l’intermédiaire d’une ou plusieurs sociétés ou organismes interposés, auprès du redevable, de son conjoint, du partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou du concubin notoire mentionnés à l’article 964, des enfants mineurs de ces personnes lorsqu’elles ont l’administration légale des biens de ceux-ci ;
- Contractés directement, ou indirectement par l’intermédiaire d’une ou de plusieurs sociétés ou organismes interposés, auprès d’un ascendant, descendant autre que celui mentionné au 1°, frère ou sœur de l’une des personnes physiques mentionnées au même 1°, sauf si le redevable justifie du caractère normal des conditions du prêt, notamment du respect du terme des échéances, du montant et du caractère effectif des remboursements ;
- Contractés par l’une des personnes mentionnées au 1° auprès d’une société ou organisme que, seule ou conjointement avec son conjoint, son partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou son concubin notoire mentionnés à l’article 964, leurs ascendants ou descendants ou leurs frères et sœurs, elle contrôle au sens du 2° du III de l’article 150-0 B ter, directement ou par l’intermédiaire d’une ou de plusieurs sociétés ou organismes interposés, sauf si le redevable justifie du caractère normal des conditions du prêt, notamment du respect du terme des échéances, du montant et du caractère effectif des remboursements. »
Dès lors lorsque nous sommes en présence de dettes contractées par le redevable lui-même auprès de son conjoint (ou de son partenaire lié par un PACS ou concubin notoire) ou auprès d’une société contrôlée par un membre du foyer fiscal, le 1° du III de l’article 974 a entendu interdire cette pratique d’optimisation fiscale en déclarant ces dettes non déductibles.
Pour les emprunts souscrits auprès de personne proche (enfants majeurs, ascendants, collatéraux) ou souscrits auprès d’entité contrôlées par le groupe familial, la loi n’est pas favorable à ce type de prêt (2° et 3° du III de l’article 974 du CGI) mais ne s’y oppose pas comme pour les emprunts souscrits auprès des enfants mineurs ou des conjoints, en revanche il faudra que le prêt soit effectué dans des conditions normales (un acte ou un contrat, avec une date d’échéance, des remboursements effectifs).
Dans sa volonté de définir un régime strict concernant le passif déductible et afin de mettre un terme à la pratique qui consistait à contracter des emprunts afin de réduire le montant de la base imposable de son impôt sur la fortune, le législateur a introduit un IV à l’article 974 du CGI qui consiste à plafonner le montant des dettes déductibles puisque désormais lorsque la valeur des biens ou droits immobiliers dépassent 5 millions d’euros et que le montant total des dettes admises excède 60% de cette valeur, le montant des dettes dépassant ce seuil n’est admis en déduction qu’à hauteur de 50% de cet excédent. Cette limitation concerne toutes les dettes citées aux I, II et III de l’article 974 du CGI. Sont cependant exclues de ce plafonnement les dettes dont le redevables peut justifier qu’elles n’ont pas été passées dans un objectif principalement fiscal.
Attention car là on utilise le terme de « principalement » et non « d’exclusivement », ce qui est encore plus dur à démontrer pour le contribuable.